Toutes les Étoiles en parlent du 08 Octobre 2009 |
Il a 72 ans, presque 73. Il pourrait en avoir huit, ou 2000. Julos Beaucarne est un éternel gamin et, depuis toujours, un vieux sage. Tiers Vigneault, tiers Yoda, tiers Flupke (le copain blondinet de Quick, bel exemple d'enfant terrible bruxellois, version Hergé). C'est aussi un ami. Statut non exclusif. On ne se fréquente pas. Simple affaire de qualité de contact. Quiconque rencontre Julos, croise son bon regard, est son ami. «Les vrais amis sont comme les arbres. Ils tendent leurs bras, ne plient pas», chante-t-il. |
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Attention! Julos Beaucarne est le contraire d'un bienheureux. D'un béat. D'un jovialiste. C'est un type qui avance bras ouverts, qui prête flanc. Un lucide que tout atteint, mais que rien ne démobilise. S'il dénonce, c'est pour mieux semer. C'est tout Julos. L'horreur et la beauté dans la balance. La beauté l'emporte, mais seulement si on insiste. «Mes disques, mes spectacles sont les miroirs de la vie. Avec de grandes joies, de grandes tristesses. Des choses magnifiques, des choses terribles. On ne peut pas nier cette variété. Le truc, c'est de ne pas être accablé par l'horreur. Il faut rebondir. Et si tu veux rebondir, y a rien à faire, faut que tu tombes vertigineusement, que tu te ramasses et que tu recommences.» |
Ce n'est même pas une leçon de vie: simple suggestion d'un homme plusieurs fois mort, plusieurs fois nouveau-né. Impossible de ne pas rappeler qu'en 1975, un déséquilibré poignarda sa femme. Et que la nuit même, Julos Beaucarne écrivit du fin fond de la tristesse une ode à la vie. «Avant, t'es un peu touriste. Mais quand quelque chose comme ça t'arrive, t'es acculé à te prendre en main. C'est ça ou le suicide. Tu te dis: si je survis, c'est pour faire quelque chose. J'ai décidé de fêter la vie.»
L’apparence n’est pas trompeuse. Crinière blanche en liberté, sourire bienveillant, regard chaleureux, le chanteur, le poète Julos Beaucarne rêve encore (…) Ses textes et ses chansons ne cessent de dessiner et de souhaiter des êtres de ressemblance et de dénoncer les caricatures d’humanité qui menacent. Dans son spectacle, il apostrophe un leader de l’extrême droite flamande - Monsieur de l’hiver - et s’inquiète, en parcourant l’actualité, des méfaits de ceux qui sont des « loups qui ont des têtes de moutons ». Le Julos sans concession résume le propos dans une des ses sentences vedettes : « Ton christ est juif, ta pizza est italienne, ton café est brésilien, ta voiture est japonaise, ton écriture est latine, tes vacances sont turques, tes chiffres sont arabes et… tu reproches à ton voisin d’être étranger ! ».
Les vrais amis sont comme les arbres, ils ont hâte de te voir mais restent imperturbables si tu ne passes pas dire bonsoir. Même après une longue absence, tu peux renouer avec eux." Julos est cet ami, un vrai ami. Il nous revient après une longue absence (et des ennuis de santé, début 2006, vite oubliés) et de nombreux voyages sur scène. Julos vit toujours à Tourinnes-la-Grosse, dans le Brabant wallon, les pieds bien plantés dans son terroir mais la tête dans les étoiles. Il y lit la beauté du monde, des oiseaux comme ce jaseur boréal donnant le titre de ce nouvel album. Mais Julos est sans cesse ramené aux dures réalités d'un monde sans coeur. Monde dangereux, voire mortel, pour les enfants, où Les loups ont des têtes de mouton, un monde qui crée des trous dans la tête comme dans les Naufragés de l'Alzheimer, un monde frileux et replié sur lui-même où rôde ce Monsieur de l'hiver, plus connu en Belgique et à Anvers, sous le nom de Filip De Winter, le leader du Vlaams Belang, le parti de l'extrême droite flamande. Julos n'est pas un doux rêveur du passé, inconscient des évolutions, des dures réalités. Il fait avec. Il vit avec. Il chante et récite. Printanier, le cœur en fleur et la saveur au bord des lèvres gourmandes, Julos n'en oublie pas sa poésie tendre pour autant. Entre chaque chanson, il récite un petit poème, une respiration car le jaseur boréal est fils de liberté, très coloré, la huppe fière. Seul Julos l'a vu. Comme seul Julos livre de ces chansons délicates et intemporelles, entre guitare égrenée et violoncelle aux émotions sans cesse au bord des larmes.
La galaxie de Julos est la nôtre. L'écouter nous embellit.